Face à la « Grande démission » ou au « quiet quitting », DRH et Managers n’ont de cesse de s’interroger et de renforcer les facteurs d’engagement au sein de leur organisation. Les salariés sont en quête de sens et les enjeux environnementaux n’ont jamais été aussi présents. Alors, la qualité de « société à mission » est-elle un levier d’attractivité et d’engagement des collaborateurs ?

La notion de société à mission est introduite par la loi Pacte de 2019 et permet à une entreprise de « déclarer sa raison d’être à travers plusieurs objectifs sociaux et environnementaux ». « Il s’agit pour une entreprise d’affirmer publiquement sa raison d’être, ainsi qu’un ou plusieurs objectifs sociaux et environnementaux qu’elle se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité » (Lien vers le site du Ministère de l’Economie).

La société à mission se doterait alors d’un levier de transformation pour faire face aux enjeux environnementaux et sociétaux, et d’un levier d’engagement de ses collaborateurs qui verraient clairement l’intérêt de leur travail et la contribution à la mission globale de l’entreprise.

Concrètement, qu’est-ce que la société à mission ? Quelle est la méthodologie pour le devenir ? Quel impact sur la culture managériale ?

Eclairage de Christine Mathis, du Cabinet Interaction et Stratégie

« Qu’est-ce qu’une « société à mission » ? Et au-delà du cadre juridique, pourquoi est-ce présenté comme une modèle d’entreprise de référence ?

Devenir société à mission n’est pas opter pour une structure juridique particulière mais se doter d’une qualité spécifique.  Deviennent société à mission les entreprises qui sont convaincues qu’elles ont un rôle à jouer dans le changement de modèle de société que nous vivons aujourd’hui et qui sont prêtes à devenir des acteurs porteurs de propositions et de solutions pour les enjeux sociétaux et environnementaux.

C’est une vision de l’entreprise qui dépasse celle de  la création d’une organisation en vue de proposer des biens et services et de dégager de la rentabilité. L’entreprise à mission s’inscrit dans le temps long avec la volonté de mettre en place une gouvernance spécifique pour atteindre la mission qu’elle s’est fixée.

 

Quelle est la démarche pour devenir une société à mission ?

D’un point de vue juridique, une société à mission est une entreprise qui a défini une raison d’être, a fixé des objectifs stratégiques, relatifs à une ambition d’innovation et une contribution sociétale, et les a inscrit dans ses statuts.

Elle s’oblige également à mettre en place une gouvernance spécifique via la création d’un Comité de mission, qui aura pour tâche de suivre les travaux menés pour atteindre les objectifs statutaires. Elément novateur et intéressant, ce comité de mission sera composé d’au moins un salarié, et pour le reste de salariés ou de personnalités externes à l’entreprise à même d’amener un regard neuf sur la stratégie de cette dernière.

Et enfin, un élément spécifique au modèle français : l’entreprise à mission accepte que, périodiquement (tous les deux ans), un organisme tiers indépendant (souvent un commissaire aux comptes) vérifie le modèle de la mission et statue sur l’atteinte des objectifs. L’OTI s’appuiera sur les travaux du Comité de mission en charge de rédiger annuellement le rapport de mission.

 

Quels sont les avantages et les inconvénients à devenir Société à mission ? 

Certes devenir société à mission engage l’entreprise et de ce fait, cela peut engendrer un risque de réputation : l’entreprise s’engage à mettre en place des actions, si les objectifs ne sont pas respectés, alors l’entreprise pourra perdre la qualité de société à mission.

Mais la qualité de société à mission emporte surtout de nombreux avantages :

  • En effet, en formalisant une stratégie sur le temps long avec une boussole : la mission, elle permet de rendre cohérente des démarches qui parfois sont menées en ordre dispersé dans les entreprises (RSE, l’engagement des collaborateurs, les sujets dits de conformité comme l’éthique et la transparence…), ce qui est facteur d’efficacité. Elle oblige à développer une cohérence d’action et de communication qui a de multiples vertus : visibilité pour les clients, attractivité pour les talents, économies de coûts et performance accrue via la motivation des salariés.
  • C’est aussi un gage de bonne gouvernance, d’autant plus qu’il y a une vérification par un tiers qui est de nature à faciliter l’accès aux financements qu’elle que soit leur provenance (levée de fonds, prêts bancaires).
  • Dernier avantage et non des moindres, quand elle est bien déployée et intégrée alors la mission devient créatrice d’une cuture d’entreprise forte, propice à déployer l’intelligence collective et la faculté d’adaptation de l’entreprise.

 

Un levier d’engagement et de renforcement du collectif

Les collaborateurs doivent incarner la mission. La raison d’être se ressent dans les choix faits par l’entreprise dans ses produis et services, et dans la façon dont elle intervient auprès des clients et des partenaires.

La mission se traduit concrètement pour les collaborateurs dans ce qu’ils font, et dans la façon dont ils le font. Travailler dans une entreprise à mission donne une dimension supplémentaire : participer à un projet d’entreprise qui se donne les moyens de transformer la société. C’est motivant, cela crée une véritable culture d’entreprise et cela va booster le collectif, car, quand le dispositif est bien monté, alors tous le monde avance dans la même direction.

 

Complémentarités et différences avec la démarche RSE 

La complémentarité porte sur les thématiques traitées : sociétales, environnementales. Souvent les objectifs statutaires reprennent des engagements sur des thématiques RSE. Néanmoins la philosophie est différente. L’approche RSE est une approche par les risques qui vise à évaluer les impacts environnementaux et sociétaux de l’activité de l’entreprise. Il s’agit donc d’évaluer les risques, et de mesurer les impacts.

La société à mission a une approche prospective et de transformation. Elle ne répond pas à la question « à quels risques suis-je vulnérable » ou « quels dommages suis-je susceptible de causer » ? Elle se demande quelle est sa singularité, quelle est sa volonté contributive aux enjeux économiques, humains, sociétaux environnementaux. Elle définit cette contribution dans sa raison d’être, et se donne des objectifs et un plan d’action pour en faire une réalité.

Il est important de concilier les démarche RSE et société à mission. Tout d’abord parce que leur cohérence est à la fois facteur d’efficacité et facteur de crédibilité. Ensuite parce que des synergies permettront de mobiliser utilement les collaborateurs dans une même direction.

Enfin le dernier élément de différenciation est que dans le modèle de la société à mission, tous les métiers, tous les collaborateurs doivent être concernés par la mission et participer à sa réalisation. La mission doit être une réalité concrète qui a des incidences sur toutes les dimensions de l’entreprise (politique RH, choix budgétaires, politique des achats, politique managériale, innovation produits …)

 

Une démarche qui engage et qui peut débuter par un « premier petit pas »

Devenir société à mission nécessite l’engagement de la Direction, du temps et engendre certains coûts. Mais si devenir société à mission paraît trop lourd au premier abord, il est possible de commencer le chemin en réfléchissant d’abord à une raison d’être, en formalisant des objectifs et en commençant à les mettre en œuvre. Souvent les entreprises font beaucoup plus de choses qu’elles ne le croient.

Mon expérience au contact des dirigeants me fait dire qu’ils n’ont parfois pas assez conscience de leur vision, de ce qui fait leur singularité et qu’ils peuvent en tirer des avantages rapides en matière de visibilité et de performance. Et après, il est plus facile d’opter pour la qualité de société à mission quand cela paraît atteignable. »

 

*Après une carrière dans le secteur financier, Christine Mathis a fondé en 2020 le cabinet Interaction et Stratégie pour apporter à ses clients des conseils et accompagnements pragmatiques pour aider les dirigeants à faire bouger les lignes dans leurs entreprises en considérant les sujets environnementaux et sociétaux.

Profil Linkedin : https://www.linkedin.com/in/christine-mathis-58150029/

Et pour aller plus loin sur ce sujet : Site de la communauté des entreprises à mission et Observatoire des entreprises à mission (site internet)

Estelle Fontaine,

Le 19 septembre 2022

 

Conseil RH - Akselis - Estelle Fontaine