Le début d’année correspond souvent à la campagne des entretiens annuels, ce rituel «incontournable » qui n’est pas toujours très bien vécu, et à cause duquel, Managers comme Collaborateurs incriminent régulièrement les « process RH chronophages et inutiles » 😅
Hé bien j’ai envie de provoquer un peu : mieux vaut ne pas faire d’entretien annuel si c’est pour se dire chaque année la même chose, éviter les sujets de fond, mettre le compte-rendu dans un tiroir et ne le ressortir que l’année suivante 😕 Mieux vaut, à la place, des échanges courts et fréquents, avec un feedback bien construit 😊
Ha le feedback ! outil précieux dans une culture managériale qui veut responsabiliser et faire grandir ses collaborateurs. Savoir se dire les choses, être transparent, pratiquer une écoute active et empathique, ce sont les postures qui permettent aux Managers et aux Collaborateurs de coopérer en confiance et vers le même objectif.
Correctif, positif, réflexif… mais au fait, c’est quoi le feedback ? Quelle est son utilité ? Comment le préparer pour qu’il soit efficace ?
Feedback, ou rétroaction en français, c’est l’échange ritualisé qui fait grandir
De « feed » nourrir et « back » en retour, le feedback est l’art de faire un retour à quelqu’un pour le nourrir, l’accompagner dans un processus d’apprentissage ou dans la réalisation d’une tache, le motiver, l’accompagner à progresser.
Le feedback est un plus qu’un processus, c’est un échange porté avec une intention et incarné avec un positionnement fort.
Le terme de rétroaction souligne également que l’échange entre celui qui donne le feedback et celui qui le reçoit, est un processus circulaire et non linéaire. Le feedback n’est pas juste « donner de l’information », mais s’inscrit dans une boucle interactionnelle, où chacun est responsable et acteur. * Cela nous rappelle la dimension systémique de toute organisation : la qualité des interactions entre collaborateurs, managers, c’est la condition de la coopération et de la performance.
Plusieurs types de feedback
On distingue basiquement trois types de feedback :
- le feedback correctif pour recadrer ou corriger,
- le feedback positif ou de confirmation pour encourager et motiver,
- le feedback réflexif pour inciter à se questionner.
Le feedback peut porter sur :
- la dimension objective de la collaboration : hard skills, façon dont les missions sont réalisées, résultats concrets, mode de collaboration, participation au projet commun, …
- mais aussi sur la dimension subjective : façon de porter le sens et la vision, les ressentis, l’état de la relation, la participation à la cohésion du groupe…
Quels sont les objectifs du feedback ?
- Garder et nourrir le lien avec les personnes de son environnement : collaborateur, pair, n+1, membre d’un groupe de travail,
- Être transparent, authentique, dire les choses de façon explicite,
- Responsabiliser en ayant des temps d’échange qui permettent d’être ni dans le contrôle ou le micro management, ni dans le « je le laisse te débrouiller » (précieux dans le cadre de la délégation),
- Garantir la performance et les résultats attendus, en s’ajustant en cas d’écart, avec réactivité,
- Permettre l’apprentissage
L’efficacité du feedback immédiat plutôt que différé : le feedback sera d’autant plus efficace et impactant qu’il se fait de façon rapprochée de l’évènement ou du fait sur lequel il porte.
Les bénéfices du feedback
Le feedback est réciproque et « marche dans les deux sens » entre un collaborateur et son manager : il permet de prendre l’avis et les besoins de ses collaborateurs, de recueillir les retours de son environnement de travail.
Le feedback est vertueux
- il réduit les risques de malentendus, les situations conflictuelles larvées,
- il est l’occasion de faire « un pas de côté », de prendre du recul par rapport à une situation,
- il permet coresponsabilité, régulation et une saine « confrontation »,
- il permet de rester aligné sur l’objectif et de réajuster le plan d’ action si besoin.
Les clés d’un feedback réussi
Vous l’avez compris, le feedback n’est ni un remerciement, ni une critique. Il est factuel et objectif, bienveillant, constructif, porté par la personne qui parle en tant que « je ». Il est suivi d’action et tourné vers un objectif, un résultat. Pour réussir son feedback, il convient d’utiliser écoute active, reformulation, résonance. Ainsi que des qualités de discernement, d’empathie, et d’intelligence de situation.
Envie de redonner du souffle à vos one to one sur la durée ? Nous avons interviewé Nathalie Simon, Coach et Formatrice en communication parlée.
– Nathalie, tu présentes souvent le feedback comme la « brosse à dent » de la relation 😉 Peux-tu nous expliquer pourquoi ?
Rires ! C’est vrai, j’aime bien cette métaphore ! Parce que je trouve que, comme la brosse à dent, le feed-back est un outil d’hygiène : l’hygiène relationnelle. Et aussi parce que, même si cela demande de faire des efforts au début, dès lors que c’est une routine intégrée au quotidien, les bénéfices sont visibles et confortables : on se rend compte que nos relations au travail sont plus fluides, et on ne peut plus s’en passer.
– Tu parles d’efforts de mise en place d’un côté, et de confort une fois que c’est mis en place de l’autre … pourquoi cette routine du feedback est-elle parfois si difficile à installer ?
Oui cela peut paraître contradictoire, et en même temps, le feedback n’est pas une science exacte 😊 .
Selon moi elle présente deux grandes difficultés. Une première d’ordre technique : donner ou recevoir un feedback c’est dur, on ne sait pas toujours bien comment s’y prendre, ni quoi dire, ni quand le dire, ni comment le recevoir …
La deuxième difficulté, est de gérer les émotions en jeu lors du feedback … Qu’il s’agisse d’un feedback correctif, positif ou réflexif, le fait est qu’on ne contrôle pas à 100% le résultat final. Et cette incertitude nous pousse souvent à ruminer en boucle toutes les bonnes raisons de ne surtout pas s’aventurer à faire de feedback! « Qu’est-ce que l’autre va faire après le feedback ? Quel jugement va-t-il porter sur moi ? Est-ce que finalement, au vu de nos agendas respectifs chargés, il ne vaut pas mieux éviter la perte de temps du feedback? Et je ne vais peut-être pas trouver les bons mots, je ne veux surtout pas dégrader la situation … etc. »
La bonne nouvelle dans tout cela, c’est que le feedback ça s’apprend. Il y a des techniques qui permettent de gérer ces difficultés. Comme pour n’importe quel sport, il s’agit simplement de connaitre les techniques, de les tester régulièrement, d’apprendre de ses expériences, de reconnaitre ses progrès … et peu à peu, en quelques mois de pratique, le feedback devient pour chacun un réflexe relationnel qui permet de renforcer les liens de confiance au sein de l’équipe.
– Alors justement, pourrais-tu nous parler un peu de ces techniques. Pour commencer, je sais que tu parles souvent « d’auto-programmation à la réussite », pourrais-tu nous dire comment cela peut s’appliquer au feedback ?
Oui c’est un outil qui s’inspire à la fois des routines d’optimisation du potentiel des sportifs de haut niveau et des techniques d’improvisation théâtrale de l’acteur. Il permet, en 3 étapes, de se détendre 😊 et de commencer à préparer le fond du message de ce que l’on veut dire à l’autre.
Etape 1 : travailler sur ses propres représentations du feedback en s’amusant ! C’est à dire lister tout ce qui n’est pas du feed-back … pour mieux ensuite se focaliser sur ce qu’il est : c’est-à-dire sur les bénéfices que l’on peut en attendre. On peut par exemple compléter les deux listes suivantes, en s’amusant à explorer les extrêmes, avec ses propres mots ou métaphores à soi.
LE FEED-BACK CE N’EST PAS…
– vider son sac une fois par an quand la coupe est pleine
– humilier l’autre ou le menacer implicitement de sanctions
– tenter de le changer pour qu’il devienne un clone de soi-même
– l’encourager systématiquement par des « Top ! Bravo ! Super ! »
– …
LE FEED-BACK C’EST COMME…
– Une brosse à dent au service de nos routines d’hygiène relationnelle
– Une voie à double sens : à parcourir indépendamment des liens hiérarchiques ou fonctionnels
– Un arrêt sur image de quelques secondes que l’on propose à l’autre pour parler explicitement de ce qui fonctionne ou dysfonctionne selon nous dans nos modes de collaboration
– Un cadeau que l’on fait à l’équipe : pour faire émerger des façons de faire différentes et innovantes au service de l’activité
– …
Etape 2 : Prendre 3 minutes – top chrono – pour s’auto-interviewer à voix haute ! Il s’agit ici de répondre de manière spontanée, à des questions très pratico-pratiques du type : « Tiens, dans cette situation de feed-back, avec cette personne :
– qu’est-ce que je veux faire, quelle est mon attente finalement ?
– j’aimerais qu’il ou elle se comporte de cette manière plus souvent ? j’aimerais au contraire qu’il ou elle arrête ou modifie un comportement que je trouve gênant dans mon activité ?
– comment je me sens à la perspective de lui parler de tout ça ? »
Et enfin étape 3 : toujours à voix haute, pour mobiliser son plein potentiel et se mettre dans une énergie constructive, se focaliser sur les BENEFICES ! « Si effectivement mon attente se concrétise, quels bénéfices opérationnels et relationnels allons-nous, cette personne et moi, en retirer ? Si cela se réalise, comment je me sentirais ? »
– Tu disais que l’un des freins au feedback est la difficulté que l’on a à dire les choses, la crainte d’y mettre du ressenti ou trop d’affect ?
Oui c’est souvent ce qu’expriment les personnes en formation au feed-back. Et pourtant, paradoxalement, c’est justement en se disant ce qui va ou qui ne va pas, que la charge émotionnelle se régule : en situation de feedback « oser dire » c’est la règle d’or !
« Oser dire », c’est d’abord trouver, à froid, les JUSTES MOTS pour donner à l’autre des clés explicites pour mieux collaborer en confiance, au quotidien ensemble.
– les FAITS : la situation, les comportements
– les RESSENTIS : les miens, vis-à-vis de cette situation et de ces comportements
– l’IMPACT de ces faits et ressentis sur mon activité, sur notre collaboration, sur le fonctionnement de l’équipe
– ma DEMANDE à l’autre
– en parler à la première personne : « JE »
– librement, sans jugement et sans exigence
– en laissant des moments de silence et de questions …
« Oser dire », c’est aussi accepter que le feed-back, c’est finalement l’art de terminer une histoire à deux dont vous connaissez le début – vos MOTS 😊 – et dont vous ne connaissez pas la fin … puisqu’elle ne dépend pas que de vous ! D’expérience, un feed-back réussi, c’est 20% du temps où vous dites les MOTS que vous avez choisi de dire, et 80% du temps, où vous improvisez avec l’autre, pour favoriser l’échange et la co-construction d’une « happy end ». Pendant ce temps d’échange, il est de la responsabilité du porteur du feed-back d’être en écoute active :
– L’autre personne est-elle bien disponible à ce moment-là ?
– Partage-t-elle votre vision des FAITS ? des IMPACTS ?
– Quels sont ses RESSENTIS ?
– Comment se positionne-t-elle par rapport à votre DEMANDE ? Voit-elle d’autres façons de faire auxquelles vous n’aviez pas pensé ?
« Oser dire » c’est enfin une question de TEMPO :
L’idéal est de faire le feed-back le plus près possible de l’évènement ou de la situation, pour que chacun ait en mémoire les évènements.
En revanche, si cela provoque chez vous, ou l’autre personne, une émotion vive, mieux vaut prendre le temps de revenir au calme et de différer le feed-back.
– Et oser demander un feedback c’est possible ? 😉
C’est une plaisanterie que j’entends souvent en effet, en formation … de personnes qui regrettent de ne pas avoir de feed-back de leur chef par exemple, et qui, en même temps, ne se voient pas du tout le leur en demander, parce que « cela ne se fait pas » ! »
Et pourtant, justement, demander un feedback à un collègue, un supérieur hiérarchique, un collaborateur, c’est très intéressant à explorer ! « Oser entendre ! » C’est le corollaire de la règle d’or du feed-back !
D’abord parce qu’en le faisant, vous envoyez le signal à l’autre que c’est un acte de collaboration et de croissance réciproque que vous proposez. Cela renforce donc l’impact de vos feed-backs.
Ensuite parce qu’ à titre individuel, par exemple, quand vous avez le sentiment de manquer de retour sur la qualité de votre travail, ou de remerciements sur vos efforts ces derniers mois, ou quand parfois vous avez le sentiment d’avoir raté quelque chose … , demander un feed-back, tout de suite, dès le moment où cela survient, peut permettre de vérifier cette perception et de balayer ces grains de sables du quotidien, qui ne sont pas bloquant certes, mais peuvent devenir irritants si ils s’accumulent …
– Pour conclure, s’il y avait une seule chose à retenir sur le feedback ce serait quoi ?
Hum … Je dirais que le feedback, que l’on soit manager ou collaborateur, qu’on le donne ou qu’on le demande, c’est un échange constructif qui génère de la confiance. Même s’il ne se termine pas à chaque fois sur une « happy end », même si on fait des « flops », le fait d’être engagé régulièrement dans ce type d’échange est constructif et améliore la vie de chacun … au travail bien sûr, mais aussi dans les sphères associatives, familiales, et amicales.
Nathalie SIMON, emovere.fr
*Pour aller plus loin sur le processus du Feedback :
Article de Christelle Bosc-Miné, pour la revue Cairn, sur le feedback dans l’apprentissage, transposable en management (« Caractéristiques et fonctions des feed-back dans les apprentissages« ) :
Extrait :
Selon Boud et Molloy (2013), le feed-back est un processus par lequel l’apprenant obtient des informations sur son travail afin d’apprécier les similitudes et les différences entre les normes correspondant à cette tâche et les qualités de son propre travail afin de générer des travaux de meilleure qualité. Cette définition met en avant trois points essentiels : 1) le fait que le feed-back soit considéré comme un processus et non pas simplement comme une information reçue, 2) le fait que le rôle de l’apprenant soit mis en avant dans la recherche d’informations, ce qui laisse entendre que la réception de feed-back n’est pas passive et 3) le fait que le feed-back ne soit pas seulement une information sur une performance et une indication d’écart au but mais peut être utile aussi pour s’améliorer dans des tâches ultérieures semblables ou plus complexes.
Estelle Fontaine,
Le 5 avril 2023